Marzahn, ce quartier au nord est de Berlin, à quelques encablures du ring berlinois, a mauvaise réputation: repère de nazis, racisme, homophobie, pauvreté, chômage endémique... Quasiment aucun Berlinois n'y met les pieds en dehors des habitants de Marzahn - et encore moins les non-berlinois; autant dire que Marzhan n'existe absolument pas pour les guides de visite, même les plus insolites!
Alors quand j'ai proposé à ma moitié, après l'échec de l'exploration urbaine du cinéma abandonné de Sojus, d'aller à la découverte de ce quartier de Berlin peu connu, l'accueil a été moyen. Mais vu que c'était aller à Marzahn ou faire du reste de sa journée un enfer, la décision a été vite prise.
Loin des clichés véhiculés, j'ai été surprise par cette visite impromptue et j'espère bien vous communiquer mon enthousiasme pour mon nouveau terrain de jeu urbain.
Un projet urbain révolutionnaire et moderne
Marzahn est un quartier berlinois sorti des champs dans la fin des années 70. Le but de ce projet d'aménagement urbain était ambitieux:
faire de Marzahn un modèle de la politique de la RDA en fournissant une qualité de vie exemplaire à 100 000 camarades chanceux. Constitué comme centre de vie, chaque détail fût pensé: électricité courante, circuit de chauffage et d'eau chaude, crèches et écoles, centre commerciaux, supermarchés, usines où travailler... toute une vie à portée de main pour les habitants des 62 000 appartements qui sortirent de terre entre 1977 et 1981.
L'architecture des bâtiments y est très typique de cette époque et vous transporte dès la plateforme du S-Bahn 7 dans la période la plus faste de la RDA: de chaque coté de la Marzahner Promenade, de grands bâtiments blancs, très carrés, d'une vingtaine d'étages, avec leurs petits balcons et leurs gigantesques parking pleins à leurs pieds, sont alignés de façon géométrique et parfaite. Ces immeubles, sans originalité ni signe particulier, se décuplent presque à l'infini.
Sur la gauche, le EastGate Einkaufshalle, le centre commercial dont la salle de cinéma fût une des raisons de la fermeture du Sojus, étale toute sa modernité au milieu des immeubles aux petits airs surannés. La Marzahner Promenade rejoint bientôt la fameuse Landsberger Allee, une des avenues les plus longues de Berlin: plus de 10 km de long, de l'Alexander Platz à l'extrème Est de Marzahn. Une avenue très communiste: très large, bordée d'arbres menus mais parfaitement espacés et alignés, avec, en son centre, les rails du tram, elle fût, à l'instar de la Karl Marx Allee, construite pour pouvoir laisser passer, si nécessaire, troupes et tanks.
L'impression générale qui se dégage, c'est celui de l'immensité. Rien, dans ce quartier de Marzahn, ne fût fait en petit.
Le vieux centre médiéval de Marzhan préservé
Avant la construction de ces grandes barres d'immeubles toutes semblables, Marzahn n'était qu'un petit village entouré de champs. Il est difficile de s'imaginer, en remontant la gigantesque Landsberger Allee, ce petit hameau, ses quelques cheminées, son relief plat sur lequel poussaient quelques graines.
Difficile? Non, pas tellement en fait. Car sur la droite de la Landsberger Alle s'ouvre bientôt une petite rue, la Alte Marzhan. Et là, surprise: lampadaire à l'ancienne, rue pavée, petites maisonnettes en pierre, avec petit jardin, volailles et potager, le out regroupé autour d'une petite place, avec vieille église et deux carrés de pelouse, où, à la faveur d'un rayon de soleil, quelques crocus ont décidé de sortir le nez de terre, on tombe sur le Vieux Marzahn, sur ce village médiéval installé ici depuis l'an 1300. On passe, en trois pas, de l'immensité de l'architecture communiste des années 70 à un petit village typique et modeste. Les vrombissements des voitures remontant la grande artère toute proche meurent et c'est un calme de campagne (tout relatif, certes) qui nous accueille. La claque. Le changement est surprenant.
Autre différence: les odeurs. Si dans la Landsberger Allee, ça sent la neige fondue et les pots d'échappement, dans la Alt Marzahn, ça sent plutôt la ferme et la terre humide. Pour cause, au bout de la rue, derrière l'église, se trouve la Kinderbauerhof de Marzahn: la ferme éducative où s'ébattent moutons, chèvre et oies et qui font la joie des petits berlinois s'agrippant aux grillages mouillés. L'association berlinoise qui entretient le lieu a pensé à tous les détails: machines agricoles et bottes de paille sont entreposés en pleine rue, entre deux aires de jeux pour enfants. Le tout est surplombé d'un vieux moulin restauré, rappelant le passé agricole du quartier.
La réalité sociale de Marzahn
Visiter Marzahn ne doit pas faire oublier la réalité sociale de ce quartier berlinois. Frappé de plein fouet après la réunification par le chômage et la perte d'allocations, ce sont plus de 35 000 berlinois qui ont fuit ce quartier qui les avait vu grandir pour tenter leur chance à l'Ouest.
Aujourd'hui encore, Marzahn porte les stigmates de cette crise qu'elle a traversé (et traverse toujours). A l'oeil attentif, il est aisé de voir que les bâtiments auraient besoin d'un bon ravalement de façade, que les voitures stationnées sur les parkings ne sont pas toutes récentes, les petites annonces pour des demandes et des offres de travail précaire sont plus nombreuses que dans les autres quartiers de Berlin. Certaines barres d'immeuble sont complètement vides de toute vie et des gens usés attendent aux stations de Tram. On sent que le tissu social s'est relâché ici.
Pas étonnant que la colère gronde, dans Marzahn, et que les thèses des partis d'extrème droite y trouvent un écho favorable.
Pour finir, nous sommes rentrés avec le M6, qui remonte toute la Landsbarger Allee jusqu'à Alexander Platz. Une balade intrigante, où les paysages urbains se sont mués des grandes barres d'immeubles pauvres aux Alte Gebäude gentrifiés.
Visiter Marzahn
Point de départ: la station de S-Bahn Berlin-Marzahn.
Remontez la Marzahner Promenade en laissant l'EastGate sur la gauche.
Rejoignez la Landsberger Allee et suivez cette grande artère jusquà la petite route pavée de Alte
Marzahn.
Baladez vous ensuite dans la peie vile médiévale de Marzahn et passez voir la Kinderbauernhaf et le viux Moulin.
De là, redescendez la Allee der Kosmonauten au milieu des lignes architecturales de la RDA, et ce jusqu'à la Hélène-Weignel-Platz et son cinéma berlinois abandonné, le Sojus.
Rejoignez la Märkische Allee et remontez là jusqu'à votre point de départ.
Prenez le M6 pour rentrer et regardez la ville changer un peu plus à chaque station et se gentrifier doucement mais rapidement au fur et à mesure que vous approchez d'Alexander Platz.
Le Kino Sojus est connu pour être un lieu à l'abandon intéressant à visiter à Berlin. Un seul bâtiment, facile d'accès, entouré de parking au milieu des grandes barres d'immeubles de Marzahn sur la place Hélène Weigel. Un jeu d'enfant !
Mais ça, c'est la légende urbaine. Arrivé sur place dans l'après-midi du dimanche 7 avril 2013, il nous a bien fallu nous rendre compte que ce ne serait pas aujourd'hui qu'on pourrait y entrer et encore moins voir les restes de machines et de bobines de film, ni les sièges en velour bleu passé dans les trois salles de projection. Nous refusons toujours de casser quoique ce soit pour rentrer dans un lieu à l'abandon, car ensuite, si la police rapplique, il est difficile de prétendre qu'on est entré par erreur. Et puis, la dégradation de propriété privée, ce n'est pas trop notre truc.
Bref, nous avons baissé les bras devant les fenêtres condamnées par des panneaux en métal épais, les portes cadenassées, les barres en fer, les marches d'escalier intentionnellement enlevées. Et on est parti se balader dans Marzahn à la place, pour profiter du soleil qui s'était enfin décidé à pointer le bout de son nez.
Une petite histoire du cinéma berlinois Sojus
Le Kino Sojus fût construit en 1981 dans le cadre du grand projet d'aménagement urbain de Berlin: la construction de 60 000 logements dans Marzahn, organisés comme centre de vie, autour d'un centre commercial, de bâtiments scolaires et, d'entre autres, d'un cinéma.
Le nom de Sojus fait référence à la navette spatiale russe, fierté de l'URRS et fer de lance de la modernité et de la technologie russe de l'époque; l'étoile rouge sur le j de Sojus est une référence explicite au rôle politique et de propagande dans les premières années de son existence.
Après la chute du mur de Berlin, ce cinéma berlinois décide d'ouvrir deux nouvelles salles de projection pour faire face à la demande; mais en 1999, le centre commercial Berlin EastGate, situé à quelques centaines de mètres du cinéma Sojus, décide d'ouvrir sa propre salle de cinéma et les spectateurs commencent à déserter la petite salle historisque, qui pense même déjà fermer ses portes.
Racheté de justesse par "Kino! Kino! Entertainment GmbH", Sojus se lance dans un concept de cinéma à bas prix: les films y étaient projetés, certes trois mois après leur sortie officielle en Allemagne, mais seulement pour 1,99 euros et le mardi, le prix était même de 0,99 euros. Une véritable alternative dans un quartier touché de plein fouet par la réunification et dont les niveaux de chômage était (et sont toujours) parmi les plus hauts d'Allemagne.
Faute d'être rentable, le cinéma berlinois Sojus fût fermé en octobre 2007 après 26 ans de service; sa fermeture a été contestée par les Berlinois de Marzhan qui, sous le nom de l'association Linksjugend solid Marzahn-Hellersdorf, ont essayé de racheter le lieu. Sans succès.
L'avenir de l'endroit reste à ce jour, cinq ans après sa fermeture, incertain et complètement laissé à l'abandon. Centre historique important de Berlin-Marzahn, le cinéma Sojus n'a, heureusement, toujours pas été démoli.
Reste à voir si la frénésie de destruction qui prend Berlin ces derniers temps touchera aussi ce petit bijou berlinois... la mobilisation ne risquerait pas d'être la même que pour l'East Side Galery...
La neige, la neige, la neiiiiiige ! Berlin s'est enfin couvert de neiiiige ! Y'en a plein, partouuuut !
Oui, j'aime la neige. Et pour cause: Berlin sous la neige change de visage. C'est une autre ville qui se dessine. Tous les sons deviennent étouffés, comme si l'on marchait dans du coton et le gris de Berlin disparait; sous les rayons du timide soleil hivernal, quand il y en a, font scintiller les flocons. La capitale allemande ralentie, les gens avancent avec précaution sur les trottoirs gelés, les voitures roulent avec plus d'attention, et les vélos fous se font rares. Pour cette balade dans Berlin enneigé, j'ai choisi de vous montrer la vie des Berlinois, les rues, les gens, le tram... sous la neige.
En hiver et sous la neige, les Berlinois préfèrent prendre les transport en commun et les voitures peuvent rester plus de trois mois dans la rue sans bouger. Les raisons? La difficulté de rouler par temps enneigé, l'obligation et le prix des pneus neige et les rares places de parking dans une ville qui fait tout pour rendre la vie des automobilistes compliquée. Les transports en commun berlinois ont l'avantage d'être très bien chauffés, de très bien desservir la ville et de revenir moins cher.
Rails du tram berlinois après la première chute de neige
Bonnet de Berlinois couvert de neige à une station de tram
Station de S-bahn berlinoise extérieure sous la neige. A remarquer que les S-bahn n'ont aucun problème à rouler avec de la neige sur les rails. Qu'est ce qu'on aimerait ça, à Paris, hein !
En hiver Berlin se retrouve souvent complétement englué dans un brouillard épais, gris et froid. Pendant des jours, la Fernsehturm (tour de la télé), emblème de Berlin, peut disparaitre dans les nuages.
Vue d'une fenêtre sur le temps brumeux et enneigé de Berlin
En hiver, Berlin couvre la plupart de ses sculptures de petites maisonnettes en bois, pour les protéger du froid et éviter qu'elles ne se dégradent. De même, les fontaines sont éteintes, pour éviter l'éclatement des tuyaux.
L'exemple ci contre est la Märchenbrunnen, soit la Fontaine des Contes de Fées, à l'entrée sud-ouest du Volkspark Friedrichshain.
Neige ou pas neige, les berlinois font leur footing dans le parc, couverts de vêtements, écharpe devant le nez. Des courageux, ces gens, moi, même en été, je cours pas !
Les Allemands sont ingénieux. Quand les rues de Berlin se remplissent de ces petites machines oranges qui déblayent les trottoirs. D'un largueur d'environ 2 mètres, les machines passent et repassent à chaque chute de neige. Les brosses à l'avant rejettent la neige de chaque côté tandis que le réservoir, derrière, éparpille sur le sol des cailloux ou du sable afin d'éviter que les trottoirs ne gèlent et que les passants glissent et tombent. Ces machines existent pour tout: les routes, les trottoirs, mais aussi les quais de S-bahn...
Feuille gelée
Famille devant le lac gelé de Volksark Friedrichshain
Cimetière enneigé dans Berlin Mitte
Photo à 13 heures Berlin Prenzlauer Berg - le soleil est déjà très ras
Et vous, il neige dans votre ville? Vous aimez la neige?
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