Un lieu abandonné dans la précipitation
"On part, vous avez 5 minutes, faites vos valises !" C'est probablement l'ordre précipité qui a dû être donné à l'Ambassade d'Irak en janvier 1991, quand en pleine Guerre du Golfe, le personnel diplomatique irakien installé à Berlin a été sommé de quitter la capitale allemande dans les plus brefs délais.
Ils n'ont même pas pris la peine de ranger leurs bureaux. Près de 20 ans plus tard, les téléphones décortiqués, machines à écrire rouillés et télex en morceaux sont toujours la même place sur le bureau, ainsi que des manuels et des listes de numéros de téléphone.
Le site abandonné de l'ambassade d'Irak n'est pas le lieu à l'abandon le plus grand de Berlin, mais avec ses 5 000 hectares, il y a déjà de quoi faire en terme d'exploration urbaine ! L'endroit appartient à l'Allemagne, mais la République d'Irak dispose de "droits perpétuels et exclusifs" accordés par la RDA.
Les Irakiens, revenus en Allemagne en 2003, sont installés dans une nouvelle ambassade toute belle et toute neuve dans le quartier de Dahlem et ont d'autres chats à fouetter que de déterrer les squelettes dans les placards de leur ancien lieu d'habitation berlinois.
En attendant la décision des Irakiens sur le sort de leur ancienne ambassade à l'abandon, le lieu est infestés d'explorateurs de tout poil: chasseurs de trésors, rave party, photo shooting,
street art artistes -
l'ambassade abandonné d'Irak vibre de vie entre ses fantômes.
L'Irak: le premier pays non-socialiste à reconnaître la RDA.
Le bâtiment abandonné de l'ambassade d'Irak est un cube de béton préfabriqué qui porte bien son âge: construit dans le style
Plattenbau, si commune à l'ère soviétique et qu'on retrouve dans l'architecture carrée du
quartier de Marzahn par exemple, il s'élève au fond d'un cul-de-sac dans le quartier berlinois de Pankow.
Ses murs gris démentent son passé coloré. Car l'endroit a été le lieu de beaucoup d'événements et complots et nombreuses sont les légendes urbaines qui courent sur l'ambassade d'Irak abandonnée.
L'ambassade d'Irak a été construit en 1974, lorsque l'Irak avait de bonnes relations avec la République Démocratique d'Allemagne. Cinq ans plus tôt, l'Irak avait été le premier pays non-socialiste à reconnaître la RDA comme un Etat et cela avait permis aux deux pays de développer une amitié spéciale. Saddam Hussein a même invité Erich Honecker à Bagdad en 1980, probablement pour discuter de contrats d'armement.
Il est aujourd'hui largement admis que la RDA offrait un soutien à l'Irak, notamment dans le domaine des recherches scientifiques pour le développement d'armes nucléaires et chimiques.
En 1980, deux membres du personnel de l'ambassade d'Irak ont été arrêtés dans Berlin Ouest alors qu'ils essayaient de livrer une valise d'explosifs dans le cadre d'un complot visant à tuer un groupe de dissidents kurdes lors d'un mariage. L'ambassade d'Irak de Berlin s'est de nouveau retrouvé sur la sellette en 1990 quand le magazine Junge Welt a révélé que le bâtiment irakien était utilisé pour stocker des armes et des explosifs et que des chambres au rez-de-chaussé (que vous pourrez d'ailleurs visiter) abritaient des terroristes.
Une histoire mouvementée qui s'est abruptement terminée en 1991 quand le personnel a quitté l'ambassade dans la précipitation, laissant le lieu à l'abandon et livré à ses fantômes (et ses hordes d'explorateurs de lieux abandonnés).
Les trésors de l'Ambassade d'Irak
A notre arrivée, et bien que le portail de fer blanc rouillé soit ouvert et invite à la découverte, la porte principale, elle, est scellée de façon drastique. Pas de problème, les explorateurs berlinois de tout poil ont fait leur propres passages: portes forcées, vitres cassées, murs démolis. Le chemin est donc tracé, pas besoin de se mettre à quatre pattes dans la boue ou à se tortiller à travers une fenêtre cassée comme ce fût le cas dans le
dépôt de train abandonné de Pankow.
La première chose que l'on remarque quand on entre dans l'Ambassade abandonnée d'Irak, c'est l'odeur de papier moisi.
Car du papier, il y en a ! Des feuilles volantes, des piles de documents, des livrets de propagande, des fichiers, des noms, des adresses, des photos, des visages... ce sont des montagnes de vies qui gisent, éparpillées sur le sol, dans un fatras d'eau stagnante et de tâches de rouille au milieu de sofa éventrés, de chaises renversées, de bureaux ravagés, de murs noircis, d'éclats de verre. Les rideaux, sales et en lambeau, flottent nonchalamment dans la brise entrant à travers les fenêtres brisées.
La plupart de ce que les Irakiens ont laissé dans l'ambassade lors de leur départ précipité en janvier 1991est toujours là. Evidemment, après plus de 20 ans d'abandon,
tous les trésors les plus précieux de l'ambassade d'Irak ont disparu. Pas la peine d'espérer ramener une photo de Saddam Hussein pour orner votre mur. Mais il y a encore de quoi faire: des lettres adressées à M. Issam Salman Al Rawi de l'ambassade d'Irak à Londres dans les bureaux du premier, des manuscrits sur la guerre Iran-Irak au sous-sol, et beaucoup de photos de soldats irakiens souriants à l'action avec leurs lance-missiles.
Des idiots ont aussi mis le feu au bâtiment abandonné à plusieurs reprises, détruisant dans les flammes, des documents historiques et intéressants (en plus de rendre l'endroit passablement dangereux...)
A une certaine époque, ces documents, pour la plupart écrits en arabe, devaient tous être rangés dans les grandes armoires mais depuis, le mobilier a été déplacé, cassé, les papiers ont été éparpillés et les machines à écrire, les fax et photocopieurs se sont vu mis en morceaux, décomposés, éventrés.
Comme dans tous les bâtiments abandonnés, les visiteurs ont laissé leur marque dans la forme d'images, de slogans et d'autres formes plus (ou moins) réfléchie art. Les bombes de peintures vides avoisinent les demandes de visa de Herr Schneider en 1967, les capsules de bières ponctuent les spots de graphe.
L'Ambassade d'Irak abandonnée, livrée à ses fantômes de la Guerre Froide, n'est plus qu'un écrin d'incertitude brillant sans éclat entre un passé mouvementé et un présent incertain.
Ambassade d'Irak abandonnée à Berlin: toutes les infos pratiques
Indice de présence policière
Selon le moment de la semaine où vous souhaitez visite l'ambassade d'Irak, le risque passe de faible à très élevé. Entouré de bureaux, avec une entrée absolument pas à l'abri des regards, les jours ouvrés, les Allemands travaillant dans le coin n'hésitent pas à rameuter la Polizei dès qu'un mec louche tourne autour de l'ambassade abandonnée. Vu l'état des lieux, je pense qu'ils en ont eu assez des fêtards et des casseurs de tout genre établissant leurs quartiers en face de leur lieu de travail.
Facteur touristique
Elevé. L'ambassade d'Irak est un des lieux incontournables pour qui aime l'exploration urbaine et la visite de lieux abandonnés. Si l'ambassade d'Irak n'a pas encore atteint l'influence et la renommée de la Eisfabrik ou de Teufelsberg, c'est que les touristes visitant Berlin sont réticents à se rendre dans le quartier éloigné de Pankow où ce trouve ce bâtiment abandonné. On croise aussi dans ces couloirs chargés d'histoire des photographes en quête d'un spot de photographie fashion et insolite. Y sont pas dérangeant, mais ils cassent l'ambiance...
Possibilité de looter?
Elevé. Même si tous les items les plus sympathiques de l'Ambassade d'Irak ont été fauchés il y a des plombes, il reste des trucs chouettos à ramener en souvenir: demandes de visa d'Allemands de l'Est, correspondances entre Irak et Allemagne, livrets de propagande etc. Les explorateurs urbains maîtrisant l'arabe sauront plus facilement identifier quels documents ont encore de la valeur.
Se rendre à l'Ambassade d'Irak abandonnée
Adresse : Tschaikowskistrasse 51 - 13156 Berlin.
Transports : Station de Tram M1, Bus 107, Bus 250 (Station Tschaikowskistrasse) // Bus 150 et 155 Station Homayerstrasse. Ou venir à pied de S2 Pankow.