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dimanche 16 mars 2014

Berlin, cette ville "si" cool...

Berlin n'est plus cool

Berlin, depuis la chute du mur, est la ville de la contre-culture européenne. Une ville où être différent n'est pas différent, où la créativité, l'art et un doux brin de folie cohabitent en toute liberté. Mais depuis quelques années, Berlin perd un à un tous ses espaces de liberté, et les globe-trotteurs aventuriers sont remplacés par des petits jeunes débarquant par masse le vendredi soir d'EasyJet pour s'éclater au Berghain; les galeries ferment, les artistes doivent plier bagages, et sont remplacés par des magasins de souvenir et des appartements de luxe.

De pauvre et sexy, Berlin est en train de devenir chère et ennuyeuse et risque de ressembler très rapidement à toutes ces grandes villes aseptisées d'Europe. Retour sur un phénomène mortifère pour la vie culturel des Berlinois.

La mort des espaces de rencontres et d'échange

En 2014, c'est un constat amer que font nombre de Berlinois.

La galerie c/o s'est vidée de ses artistes et a déménagée dans Charlottenburg.

Le Tacheless n'est plus qu'une friche, les fenêtres sont condamnées par des panneaux épais en ferraille. Au lieu de l'Histoire et des histoires de chacun, il y aura bientôt des bureaux ici.

L'East Side Gallery a un trou béant, et au milieu du parc où aimaient se délaisser la jeunesse clubbeuse berlinoise dans le chaud soleil des dimanches matins d'été, se dresse un chantier bien barricardé et doublement protégé depuis les manifestations du 17 mars 2013. Ici se dresseront bientot des appartements de luxe hors de portee des portefeuilles des Berlinois.

Le gros chat du Kater Holzig n'agite plus sa patte au rythme des basses électro sur les berges de la Spree; bientôt, il y aura des appartements hors de prix sur la rive, là où des milliers de clubbeurs faisaient connaissances avec des psychotropes.

Sur Alexander Platz, la grande librairie installée en face du S-Bahn a dû fermer; elle a été remplacée par un magasin de souvenir et des touristes pressés entrent et sortent toute la journée, un pull I love Berlin sur les épaules.

En bas de chez moi, le champ qui accueillait les voisins lors de la fête du voisinage, les anniversaires de tous les mômes du bâtiment et une faune hétéroclite de meubles en recherche de nouveaux propriétaires a été fermé la semaine dernière; un grand panneau orne les barrières occultantes: "interdit d'entrer - chantier en construction" est-il écrit sous une représentation d'un complexe de luxe.

Berlin, victime de sa coolitude et de sa dette

East Side Gallery détruiteCes quelques exemples ne sont qu'une infime partie d'un triste phénomène qui ronge Berlin. Qu'ils soient lieu de partages, d'échanges, de rencontres et de créations, rien ne sauve les lieux préférés berlinois dès lors qu'un prometteur veut y planter ses dents. Et tout ce qui ne génère pas assez d'argent est jetté négligemment au premier venu, si tant est qu'il ait bourse déliée....

Car la ville a deux atouts qui attire en masse les "faiseurs de mainstream sans âme".
  1. La ville de Berlin est très endettée: plus de 60 milliard d'euros de déficit et un objectif de stabilisation budgétaire à l'horizon 2015. Alors pour financer le déficit des caisses berlinoises le plus vite possible (et le salaire honteusement élevé de notre maire...), les élus locaux prétendent qu'il "n'y a pas d'autre choix" que de vendre des terrains à des promoteurs. Quitte à faire n'importe quoi avec n'importe qui...
  2. Promoteurs qui, bien sûr, se lancent dans des projets de haut standing et inaccessibles à la plupart des Berlinois, car la "coolitude" de Berlin, hissée au rang de la ville la plus branchée, et la plus touristique d'Allemagne, attire en masse des touristes - et de nouveaux habitants, au portefeuille plus garni. Il serait dommage de ne pas prendre sa part dans les 10 milliard d'euros que rapporte l'industrie touristique à Berlin ! Quitte à détruire ce qui fait de la capitale allemande son âme et sa différence, et qui, dans un premier temps, attirait tout ce petit monde dans la capitale allemande. Ironie quand tu nous tiens.
les loyers à Berlin s'envolent - les Berlinois protestentRésultat ? Le phénomène de gentrification à l’œuvre depuis quelques années, et qu'on espérait se maintenir à Prenzlauer Berg et Friedrichshain, s'étend dans les quartiers plus populaires comme Kreuzberg, Neukölln, Treptower Park. Les bobos font s'emflammer les loyers: +30% en six ans ! Et les salaires, eux, où en sont-ils? Je vous laisse deviner...

Pas étonnant que les Berlinois installés là depuis des décennies s'insurgent contre l'augmentation scandaleuse des loyers - plus ou moins pacifiquement - pour éviter de fuire en périphérie de plus en plus lointaine, ou même dans des villes moins chères comme Leipzig.

Berlin, cette capitale plus si cool que ça


Il en va des modes touristiques comme des modes vestimentaires: ça s'en va et ça revient. Il semblerait en tout cas, à notre grand soulagement, que Berlin ne soit plus si cool que ça.

Cette nouvelle rassure: la course effrénée au tourisme de masse va-t-elle enfin ralentir? Va-t-on enfin se concentrer (et concentrer les budgets municipaux) sur autre chose?

En attendant, les créateurs du Kater Holzig ont décidé de ne pas baisser les bras: ils poursuivent leur aventure berlinoise avec la création d'un nouveau lieu culturel, situé de l'autre côté de la rive sur la Holzmarktstrasse. Nommé Holzmarkt, ce complexe culturel contiendra 100 logements, une crèche ouverte 24/24, un club, une antre pour artistes et entrepreneurs et devrait ouvrir prochainement.

Dans Kreuzberg, les habitants ont décidé de ne pas abandonner leur Markthalle delaissée aux main des promoteurs.  Ils ont monté un marché alternatif, pour les petits commerçants, afin de redonner vie à leur quartier et aider les producteurs à aller à la rencontre de leurs consommateurs.

En Janvier 2013, une nouvelle structure de financement a vu le jour pour soutenir les initiatives dans le domaine de la musique Pop et Rock. Nommé le Musicboard, c'est avec un budget de seulement 1,5 millions d'euros que ce "Conseil de la Musique", encore fragile, essaye de s'imposer sur la scène mondiale. Je vous invite d'ailleurs à aller jeter un coup d'oeil à leur chouette dernier projet: Pop im Kiez.

Qu'on ne s'inquiète donc pas (trop). Berlin se réinvente sans cesse. Il ne tient qu'à nous de préserver son unicité et sa diversité. En espérant de pas arriver trop tard...


  



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crédits photo 2: Le Berliniquais.

5 commentaires:

  1. Ahlàlà! dis toi que Messer Gaster sera à Berlin à partir de lundi prochain pendant une dizaine de jours.. je compte y retourner non seulement pour me vider la tete et revoir des gens.. mais aussi pour savoir si je veux retourner y vivre une 2e année (admis que j'aie mon concours et tout) ou pas..
    et ton article me laisse toute pensive, du coup! ;)

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  2. Bonjour Rainbow Berlin, merci pour ce billet tellement vrai et tellement rageant.

    Un petit bémol important cela dit... je suis l'auteur d'une des photos que vous utilisez dans ce billet : celle avec la pancarte "Ruining art & history is a crime". Enfin, je suppose que vous savez où vous l'avez récupérée. Auriez-vous la gentillesse de me l'attribuer? Merci.

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    1. En effet ! L'auteure s'est faite tirer les oreilles, elle est au courant qu'on doit toujours divulger la paternité des photos.

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    2. Salut Sky, merci pour l’attribution en fin d’article et bonne continuation
      :-)

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  3. Merci pour cet article très intéressant sur la situation actuelle de Berlin, c'est dommage que la crise économique touche des endroit aussi attractifs... Je vis là bas depuis un moment et je n'ai pas envie de voir disparaître cette énergie qui règne a quotidien.

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